"LA CAGE" - Kerry HOWLEY

"La Cage", c'est l'octogone qui encercle et contient les combattants lors d'un affrontement de MMA. Espace de violence intense, chargé de codes et de protocoles. Lieu marginal, dans le plus pur sens du terme, c'est-à-dire un lieu libre, suffisamment à côté du monde pour qu'il puisse s'y déployer des événements exceptionnels, de l'ordre d'une expérience  extatique. Par un enchaînement de conditions particulières à cette pratique et aux lieux qu'elle intègre, la transcendance est possible.
C'est du moins ce dont se persuade Kit, une jeune étudiante en phénoménologie qui, par un concours de circonstances, se retrouve spectatrice d'un combat à Des Moines, Iowa, et vit pour la première fois une expérience transcendant son propre corps.
Dès lors, ces combats vont devenir un point central de la vie de la jeune femme, comme un pôle magnétique vers lequel convergent tous ses questionnements. Durant deux ans elle va accompagner deux combattants, jouant pour eux le rôle de spacetaker, sorte de confident relativement proche, de tampon chargé d'absorber le contre-coup du retour à la vie en-dehors de la cage. L'envers du décor se fait moins grandiose (euphémisme dérisoire au vu du quotidien parfois pathétique ou misérable des athlètes), et l'octogone prend systématiquement l'apparence d'une merveilleuse promesse, celle du surpassement, de l'oblitération de toutes les barrières factuelles de la réalité quotidienne.
Kit scrute, analyse, pose des axes réflexifs. Peu à peu elle absorbe, vampirise, faisant passer le texte d'une plongée journalistique dans l'univers de la MMA à une réflexion profonde sur notre fascination pour la violence.

Kerry HOWLEY pousse loin l'utilisation des codes de la creative nonfiction  et compose un texte passionnant aux multiples entrées.  L'auteure floute les contours réels du cadre, se joue du lecteur et mène sa narratrice dans des circonvolutions inattendues. Questionnant ainsi tant la relation aux notions d'objectivité/subjectivité que la perception de la réalité à travers le prisme de l'écriture. Geste systématiquement déformant.

Surtout, elle impose un rythme et une trame qui dépassent largement le sujet et amènent le texte à s'interroger lui-même sur la place qu'il occupe et l'observation distante de la violence qu'à son tour il diffuse.


Kerry HOWLEY, La Cage , 2016, Vies Parallèles